O Ma
profession d’enseignant en éducation physique et sportive associée
à une pratique sportive personnelle intense pas toujours bien dosée ou contrôlée a créé chez moi des points de douleurs multiples à
partir de l’âge de 50 ans.
Au
cours de l’année 2003, une violente crise de sciatique gauche m’a
amené à subir une intervention chirurgicale pour extraire une
double hernie discale entre les vertèbres lombaires n° 4 et n° 5
et m’a contraint à me poser des questions sur le futur de mon
intégrité physique.
Dans
ce genre de situation, on ne peut éviter que rarement la défaillance
psychique associée qui vient amplifier la zone de détresse. En
effet, le handicap résiduel de cette intrusion me fit arrêter mon
activité professionnelle et me poussa vers une retraite anticipée.
Issu
d’une génération où les étirements pré, intra ou post séance
n’étaient pas de mise, je constatais par ailleurs à mes
dépens qu’une raideur résiduelle m’envahissait. La
confrontation permanente à ces mécanismes de détérioration
risquait de me priver progressivement d’activité physique et de me
précipiter insidieusement vers un délabrement mental dont on ne
sait jamais jusqu’où cela peut déboucher.
Je
me suis donc mis en recherche de solutions pour endiguer le phénomène
au risque de voir la troisième partie de ma vie détériorée par
des douleurs récurrentes diurnes et nocturnes. La cure thermale
médicalisée fut le premier soin effectif que j’entrepris.
Cependant, cette thérapie antalgique montrait ses limites
efficientes dans la durée. Par ailleurs, j’étais convaincu qu’un
moyen exclusivement externe et subi ne pourrait que soulager
partiellement et artificiellement.
Il
me fallait trouver une méthode interne et pérenne.
C’est
par le « bouche à oreilles » que j’ai été amené à
rencontrer Blandine WONG et que je suis venu à la découverte de
l’activité FELDENKRAIS ; en effet, ma compagne avait suivi
un stage d’initiation quelques années auparavant. C’est
donc dans des circonstances post traumatiques et dans un but
essentiellement antalgique que j’ai démarré l’activité à la rentrée suivante.
La
première année fut bien évidemment une saison de
découverte. D’emblée, je restituais mes intentions de pratiques
antérieures par un mouvement dédié à la plus forte amplitude avec
une intensité immodérée. La conduite très ouverte de
l’enseignement ainsi que l’accès très autonome au mouvement me
convenaient tout en autorisant corollairement à mon insu les gestes
parasites, l’intensité excessive et l’absence totale de
conscientisation. La compréhension ainsi que l’appropriation de
l’objectif m’échappaient.
La
position allongée m’était inconfortable tellement le dos était
en souffrance. Je constatais avec effroi le manque d’amplitude dans
la laxité de mes articulations. Je ne pouvais pas aller au bout de
certaines séquences en position assise pourtant très brèves :
« la bête avait mal vieilli ».
Il
me fallait dépasser ces désagréments et laisser la méthode
s’emparer de moi et m’investir. Je m’engageais donc sans
hésitation dans une deuxième année.
La
deuxième année fut différente tant au plan des
sensations intra séance que du début d’un ressenti de confort
post activité.
L’autonomie
dans l’action et pendant la récupération était intégrée. Les
différents temps de mise en action, de modulation personnelle, de
constat étaient appréhendés. J’étais en phase avec l’enseignant
quant à l’accès individuel de ma prise en charge en adéquation
avec mes capacités générales mais aussi spécifiques du moment.
Les
exercices de visualisation viendront corroborer cet aspect tout à
fait personnalisé.
En
parallèle, je constatais que le relâchement s’installait autant
sur les phases actives que sur les séquences passives ou de
récupération.
La
position allongée devenait moins traumatisante pour devenir le
moment de constat des effets clairement conscientisés de la nouvelle
organisation corporelle. Les points de contact du corps sur le tapis
devenaient concrètement des jalons d’étalonnage.
La
sortie de séance ainsi que les minutes suivantes créaient une
sensation inconnue mais très agréable de confort couplée à une
légèreté originale.
Grâce
à la méthode, je découvrais l’infinitude de connexions
musculaires, articulaires et ostéopathiques. En pratiquant les séances
les yeux fermés, je me faisais entrer dans un autre monde qui
n’était finalement que mon monde. Je visitais mon corps. Je me
véhiculais à tâtons en moi. En
comparaison avec la première année, je m’abandonnais au
processus. C’est donc avec évidence que je décidais de poursuivre
l’aventure pour une troisième année.
La
troisième année est celle du début de
l’approfondissement.
J’entre
en relation avec mon corps, mon corps me parle. Les
enchaînements se font plus fluides. La raideur s’atténue peu à
peu. Intellectuellement,
je comprends la méthode. Le mental se relâche et s’apaise. J’entre
en douceur dans le jeu du mouvement consenti et agréé par mon
psychisme.
L’enseignant
devient vraiment le guide qui propose; mon corps répond souplement
en se respectant. La relation n’est plus didactique mais devient
coopération en altérité.
Les
séquences de visualisation active sont de plus en plus profondes. Il
me semble discerner comme l’apparition d’un certains nombre
d’automatismes dans l’enchaînement ; c’est comme une
forme d’intégration naturelle.
Après
trois années de participation à une séance hebdomadaire, et des séances individuelles mensuelles au cours de la première année, mon
dos ne me fait souffrir que lorsque je l’ai sollicité
outrageusement. Je ne peux pas encore mesurer objectivement les
effets directs de la méthode sur ma vie journalière. Je ne suis pas
encore en capacité de restituer systématiquement les contenus de
séances en résonance avec mon quotidien. J’évalue
cependant positivement toute ma nouvelle gestuelle autour du
mouvement.
Certaines
transpositions apparaissent dans la pratique de mes activités
sportives. J’ai
abandonné définitivement et délicieusement un grand nombre de
gestes parasites ou autres intentions brutales voire démesurées. Au
fil du temps, j’entre en cohérence avec mon corps et dans la
dimension du respect de son intégrité. J’habite avec douceur ce
corps que j’ai tant maltraité. Je joue avec lui le jeu de
l’économie et de l’adéquation au geste le plus juste tant dans
son amplitude que dans son intensité.
Je
suis gourmand des années qui vont suivre, je vais rester attentif à
tous ces progrès qui ne manqueront pas de survenir.
La
méthode FELDENKRAIS est sûrement un paravent efficace contre
l’eutrophisation des gestes journaliers accompagnée de la
réduction de notre rayon d’action qui nous guette tous.
Elle
ne rajeunit pas mais elle peut s’apparenter certainement à une
cure anti vieillissement.
Bernard (61 ans)